La Série Bukavu
L’invisibilité des chercheurs du Sud
Bien que leur expertise soit vitale pour le processus de recherche, les chercheurs assistants du Sud sont trop souvent traités comme de simples collecteurs de données et effacés des produits finaux des projets dont ils rendent possible la réalisation. Sur cette image, Tembo Kash dépeint cette expérience d’effacement en nous montranten se regardant dans un « miroir académique » constate que son reflet a complètement disparu et que seule subsiste celui de sa mallette de recherche. Il semble que le milieu sur universitaire veuille les données qu’il a recueillies, mais ne s’intéresse pas à lui en tant que chercheur à part entière. De nombreux auteurs de la série Bukavu abordent cette question dans leurs textes – et peut-être davantage Élisée Cirhuza dans son essai « Effacé du tableau ? Le chercheur du Sud et la lutte contre le ‘néo-colonialisme scientifique’ » et Aymar Nyenyezi Bisoka dans « Les ‘silent voices’ peuvent-elles parler ? Lorsque les rapports de pouvoir gouvernent les modalités de prise de parole ».
Les données ne sont pas gratuites
Payer les participants à la recherche pour obtenir des informations est généralement mal vu et considéré comme mettant en danger la qualité et la validité des données. C’est pourquoi les gestionnaires de projets du Nord ont tendance à ne pas inclure de tels paiements dans leurs budgétisations de projets. Pourtant, sur le terrain, les chercheurs congolais se retrouvent souvent dans des situations délicates avec les autorités locales, et même avec les membres des communautés, qui peuvent considérer le partage d’informations comme une transaction. Dans « Lorsqu’on devient Pombe Yangu (ma bière) : Faire face aux attentes financières des participants de recherche », Jérémie Mapatano décrit les complexités liées à la confrontation des demandes de rémunération des répondants sur le terrain. Parallèlement, dans leur essai conjoint, « La présence de la « peau blanche » : défis liés aux attentes de la population face à la présence des chercheurs blancs sur le terrain », Élisée Cirhuza Balolage et Esther Kadetwa Kayanga examinent, entre autres, comment la présence des chercheurs blancs peut accroître les attentes des participants en matière de compensation financière.
Expériences traumatiques sur le terrain
De nombreux essais de la série Bukavu traitent des conséquences psychologiques que le travail dans une zone de conflit peut avoir sur les chercheurs au fil du temps. Dans « Quand le sac-à-dos est plein : l’omerta autour du poids psychologique de la recherche scientifique », An Ansoms montre que ce fardeau est encore aggravé par une culture du silence dans les milieux universitaires. Il existe peu d’espaces au sein desquels les chercheurs peuvent admettre leur vulnérabilité et parler ouvertement des traumatismes dont ils sont témoins ou qu’ils vivent dans le cadre de leur travail. On attend plutôt des gens qu’ils assument leur fardeau psychologique en silence et qu’ils présentent un visage courageux à leurs collègues. Dans cette image satirique, Kash montre un chercheur congolais et un chercheur étranger que l’on pousse à croire que les os humains qu’ils ont rencontrés sur le terrain ne sont que des squelettes de bonobos– plutôt que les traces évidentes d’une atrocité récente. Ansoms termine son essai par un appel passionné à s’éloigner d’une culture du silence à tout crin, pour se tourner vers une culture d’ouverture et de soutien mutuel.
Déstabiliser les chercheuses
Dans son essai « Les défis de la chercheuse sur le terrain conflictuel », Irène Bahati explore les défis spécifiques auxquels sont confrontées les chercheuses locales lors de leurs travaux sur le terrain en RDC. Dans cette image, Kash a choisi de développer l’une des questions soulevées par Bahati – celle de l’hostilité sociale à laquelle des chercheuses congolaises sont confrontées de la part de personnes (et parfois même d’autres femmes) qui s’attendent à ce qu’elles donnent la priorité aux tâches domestiques sur les aspirations professionnelles.
Valoriser les données plus que la vie
Tout au long de la série Bukavu, les auteurs attirent l’attention sur le fait que les chercheurs locaux et les assistants de recherche au Congo ne sont souvent appréciés que pour les données qu’ils collectent. Ils ont rarement l’occasion de participer en tant que partenaires à part entière aux projets de recherche qu’ils mènent. Pire encore, dans de nombreux cas, même leur sécurité physique est considérée après coup, le plus important étant qu’ils fournissent les données dont leurs collaborateurs du Nord ont besoin. C’est l’une des questions qu’Alice Mugoli Nalunva aborde dans son essai « Entre passion et précarité : le métier du chercheur en RD Congo ». Dans le dessin présenté ici, Tembo Kash illustre ce thème en représentant un chercheur congolais qui vient de s’échapper d’un bateau qui a chaviré. Lorsque le chercheur passe un appel téléphonique pour signaler ce qui s’est passé, il constate que son patron ne se soucie que de la sécurité des données du projet.
Manque de protection contre les enlèvements, manque de dispositions pour la rançon
Les gestionnaires de projets basés dans le Nord global ne reconnaissent souvent pas que le travail dans les zones de conflit peut mettre les chercheurs locaux sur le terrain en grand danger. Ce mépris pour la sécurité des chercheurs congolais est un thème récurrent dans de nombreux textes de la série Bukavu. Dans leur essai collaboratif intitulé « Travail sans salaire ? Regard critique sur les contrats de recherche et les vécus des chercheurs locaux en RDC », Élisée Cirhuza, Irène Bahati, Précieux Thamani Mwaka et An Ansoms soutiennent par exemple que les contrats de recherche non seulement ne prévoient pas une rémunération équitable pour les chercheurs congolais, mais négligent également la sécurité de ces chercheurs locaux pendant leur travail sur le terrain. Pendant ce temps, dans « Survivre à l’intimidation : quand la contestation de la recherche perturbe la vie du chercheur », Bosco Muchukiwa montre comment, même lorsqu’ils travaillent sur leurs propres projets, les chercheurs du Sud sont confrontés à des dangers auxquels leurs homologues du Nord n’ont pas à faire face. Sur cette image, Kash illustre la critique de Cirhuza et ses collègues en montrant un chef de projet blanc qui dit à son assistant de recherche kidnappé qu’il n’y a pas de budget disponible pour payer sa rançon et ainsi le sauver, mais que des dispositions peuvent être prises pour récupérer les données qu’il a recueillies.
Déséquilibres de pouvoir dans la rédaction scientifique
La question de l’effacement académique et intellectuelle est l’un des thèmes les plus persistants de la Série Bukavu. Dans ce dessin, Kash met en évidence ce phénomène en montrant un jeune chercheur qui présente à son « patron » les recherches et analyses approfondies – qu’il a menées dans le cadre d’un projet – et qui apprend que son travail consiste simplement à transmettre les données qu’il a recueillies et ensuite à rentrer chez lui. Dans « ‘Ils lui ont volé le cerveau’ : Le chercheur local, un collecteur des données ou chercheur à part entière ? », Stanislas Bisimwa Baganda se demande pourquoi les chercheurs locaux ont tendance à être exclus de la publication alors que tant de projets de recherche seraient totalement irréalisables sans leur contribution en tant que facilitateurs et contributeurs. De même, dans son essai « ‘Chercheur-bailleur’ et ‘chercheur-récipient’ : comment surmonter les écarts entre le chercheur du Nord et le chercheur du Sud ? », Judith Buhendwa Nshobole soutient que les chercheurs du Nord ont la responsabilité de rendre la production des connaissances plus équitable en incluant les chercheurs du Sud à toutes les étapes d’un projet de recherche. Entre temps, dans « ‘Ces Chercheurs-Fantomes du Sud’ : Quid de leur visibilité dans les publications scientifiques ? », Bienvenu Mukungilwa explique comment l’exclusion des chercheurs locaux du processus de publication entraîne une perte d’opportunité pour tous les membres d’une équipe de recherche. Finalement, dans Ces chercheurs du Sud qu’on connaît à peine ! Retour sur quelques hypothèses dangereuses au sujet des collaborateurs de recherche du Sud, Emery Mudinga appelle les chercheurs en position de pouvoir à remettre en question leurs idées reçues sur leurs assistants et collaborateurs de recherche, affirmant qu’il s’agit de la première étape pour aborder et rectifier le problème endémique de l’effacement intellectuel dans la recherche scientifique.
Imposer des agendas du Nord
Dans cette image, Kash attire l’attention sur le phénomène des gestionnaires de projets du Nord global qui ignorent l’expertise locale et dictent plutôt unilatéralement la manière dont les chercheurs locaux doivent poursuivre leurs recherches. Ici, un employé d’une ONG remet à un chercheur congolais un cahier de charges qui lui indique comment il doit mener le projet et quelles conclusions il doit tirer – avant même qu’il n’ait commencé ses recherches. Dans son essai, « ‘Un assistant de recherche n’est qu’un exécutant’ : les intérêts d’associer les chercheurs locaux au montage des projets de recherche », Vedaste Cituli Alinirhu réfléchit à ce qui est perdu lorsque les chercheurs locaux sont exclus du processus de conception des projets de recherche et que, à la place, on attend qu’ils se contentent de mettre en œuvre les idées des autres. Dans le même ordre d’idées, en écrivant sur « L’ONGisation de la recherche scientifique », Pierre Basimise Ngalishi Kanyegere explique comment, en dictant les objectifs de recherche de manière top down et en ignorant l’expertise locale, le personnel des ONG rend un mauvais service non seulement aux chercheurs locaux, mais aussi à leurs propres objectifs de recherche. Dans « Halte au regard du ‘Big Brother’ dans la censure de la recherche scientifique au Sud ! », Joël Baraka Akilimali montre qu’une dynamique similaire se joue dans les milieux universitaires. Enfin, en accord avec les auteurs mais en écrivant à partir d’une perspective du Nord, dans « Les projets de recherche collaborative peuvent-ils renverser la prédominance des récits imposés ? », Koen Vlassenroot soutient que la structure actuelle des collaborations de recherche Nord-Sud doit être revue afin de donner aux chercheurs locaux une plus grande voix dans l’étude et l’analyse de la RDC.
Dangers, menaces et éthique de l'espionnage présumé
La collecte de données dans les zones de conflit ou dans des environnements peu sûrs est un processus exceptionnellement délicat, qui requiert de l’ingéniosité, de la flexibilité et une compréhension nuancée des contextes locaux. Dans «Naviguer entre des espaces de conflits armés», Josaphat Musamba présente aux lecteurs une introduction aux nombreux défis que pose la réalisation des recherches dans une zone de conflit et décrit certaines stratégies créatives que les chercheurs locaux utilisent pour faire face aux obstacles sur le terrain. Dans «Il se cache derrière son chapeau ! Se déguiser pour récolter les données de terrain», Précieux Thamani Mwaka, Stanislas Bisimwa Baganda et An Ansoms décrivent certains des défis spécifiques que les chercheurs congolais rencontrent lorsqu’ils travaillent avec des personnes interrogées qui se méfient de leur recherche. Ils discutent ensuite des solutions que les chercheurs trouvent à ces défis, des risques qu’ils encourent et des zones d’ombre éthiques dans lesquelles ils entrent lorsqu’ils choisissent parfois de dissimuler leur statut de chercheur. Entre temps, dans «Le jour qu’un guide armé s’impose : Naviguer comme chercheur dans le terrain conflictuel», Eric Batumike Banyanga raconte sa propre expérience de travail sur le terrain sous la « protection » d’un guide armé en montrant ce qui peut arriver à un chercheur lorsque les soupçons atteignent un point critique. Dans l’image associée, Tembo Kash montre à quelle vitesse les tensions peuvent s’intensifier entre les chercheurs et les personnes interrogées en cas de soupçons entre les deux parties.
Vivre avec des délais serrés
Alors que les chercheurs et les assistants de recherche locaux effectuent la majeure partie des recherches en RDC, les chercheurs basés dans le Nord global continuent de dicter les conceptions, les calendriers et les objectifs de la plupart des projets de recherche dans le pays. Ainsi, les personnes qui conçoivent les projets sont souvent déconnectées des réalités sur le terrain et peuvent imposer des attentes et des exigences irréalistes à leurs collègues du Sud. Les chercheurs du Sud, quant à eux, se sentent souvent incapables de contester ces exigences en raison de déséquilibres bien ancrés en matière de pouvoir, de ressources, de financement, etc. Comme le montre Kash dans cette illustration, de telles pressions peuvent parfois contraindre les chercheurs locaux à prendre des décisions douteuses sur le plan éthique dans leur travail. Les essais d’Esther Kadetwa, « Les données fiables ? La pression de délivrer versus les complexités du terrain », et d’Élisée Cirhuza, « La rémunération du chercheur sud : Une source de prostitution scientifique ? », illustrent ces dynamiques avec franchise et perspicacité.
Reconnaître les différences culturelles
Mener un travail de terrain au sein d’une équipe multiculturelle crée de nombreuses possibilités d’apprentissage et d’échange. Mais en même temps, une telle collaboration peut occasionner des malentendus culturels qui entraînent des tensions au sein d’une équipe. Dans son essai, « Perdu dans la traduction ? Gérer les différences culturelles face aux risques de terrain », Dieudonné Bahati Shamamba raconte certaines de ses propres expériences de travail dans des groupes de recherche mixtes congolais et européens, et réfléchit aux moyens pour les collaborateurs de développer un meilleur sens de la compréhension au-delà de différences culturelles. Ici, Tembo Kash décrit un désaccord sur l’importance de la religion survenu au sein d’une équipe de recherche multiculturelle après un événement traumatisant. L’image est basée sur une anecdote de l’essai de Shamamba.
Faire de la recherche chez soi
Plusieurs auteurs de la série Bukavu réfléchissent au traumatisme, à la peur et à la culpabilité qu’ils ressentent au cours de leur travail sur le terrain. Contrairement aux chercheurs du Nord, les chercheurs locaux et les assistants de recherche au Congo sont souvent en contact avec les communautés sur lesquelles ils sont appelés à travailler. Alors que les chercheurs étrangers peuvent être capables de maintenir un certain détachement par rapport aux situations qu’ils étudient sur le terrain, les chercheurs locaux n’ont souvent pas ce luxe émotionnel. Dans son essai intitulé « L’égocentrisme de l’éthique de terrain : altérité, décence et responsabilité en question« , Anuarite Bashizi s’attaque à la culpabilité et à la détresse qu’elle et d’autres chercheurs congolais éprouvent lorsqu’ils sont confrontés à la souffrance de leurs informateurs au cours du travail de terrain. De même, dans « Rupture épistémologique, distanciation et décentrement : Exigence sur le terrain proche », Francine Mudunga examine les défis éthiques auxquels sont confrontés les chercheurs locaux lorsque leur travail les oblige à prendre une certaine distance émotionnelle par rapport aux répondants des communautés avec lesquelles ils peuvent eux-mêmes avoir des liens. Parallèlement, dans « Attendre les oiseaux du matin: les traumatismes des chercheurs face aux terrains insécurisés », Thamani Mwaka Précieux raconte comment, en tant que membres de communautés touchées par des conflits, les assistants de recherche locaux se retrouvent parfois même à risquer leur propre vie en menant des recherches.
Pression émotionnelle
Dans son essai « Recherche ou aventure ? Comment les chercheurs locaux « vivent » la recherche », François-Merlan Zaluke Banywesize met en évidence la façon dont les exigences irréalistes des bailleurs de fonds et des gestionnaires de projets dans le Nord global conduisent les chercheurs locaux sur le terrain à se sentir dépassés et épuisés. Ici, Tembo Kash illustre de façon poignante cette question en décrivant une discussion entre un chercheur congolais qui se sent contraint d’entreprendre un nouveau projet, et sa femme qui est profondément consternée par le poids physique et émotionnel que le travail lui impose.
Naviguer au sein des espaces dominés par les hommes
Bien qu’elles aient toutes deux déjà écrit des articles de blog pour la série Bukavu, An Ansoms et Irène Bahati ont constaté, au fur et à mesure du déroulement du projet, qu’un thème important restait sous-évalué dans l’exploration des défis émotionnels, sécuritaires et éthiques auxquels les chercheurs sont confrontés sur le terrain. Estimant que les expériences spécifiques des chercheuses nécessitaient encore plus d’attention, les deux femmes ont collaboré à un essai sur cette question. Dans « Quand la salle rigole : de la femme-chercheuse à la chercheuse-prostituée », Ansoms et Bahati témoignent du harcèlement et de l’intimidation auxquels les femmes sont confrontées sur le terrain en raison de leur sexe, décrivent les stratégies que les chercheuses doivent utiliser pour faire face à ce type de traitement et appellent le monde universitaire à reconnaître les vulnérabilités particulières des chercheuses sur le terrain et à commencer à y remédier. Dans cette image, Tembo Kash adapte habilement plusieurs anecdotes d’Ansoms et de Bahati en une seule image montrant un échange de recherche standard qui prend une tournure menaçante lorsque deux soldats font des insinuations sexuelles dans leurs réponses à l’enquête d’une chercheuse.
Vers une collaboration équitable
La série Bukavu est, en grande partie, une exploration du large éventail de défis moraux et éthiques qui se posent au cours des collaborations entre les chercheurs du Nord et du Sud. Dans son essai «‘Businessisation’ de la recherche et logiques ‘domino-centriques’ : compétitions autour des opportunités dans les recherches collaboratives», Godefroid Muzalia partage les enseignements de huit années de travail dans les collaborations de recherche Nord-Sud, souvent en tant que « coordinateur du Sud » pour des projets dont les termes et le financement sont dictés par le Nord. Pendant ce temps, dans « ‘Umoja ni nguvu’ : vers les recherches collaboratives équilibrées », Josaphat Musamba et Christoph Vogel réfléchissent ensemble à leur expérience personnelle de construction d’un partenariat (et d’une amitié) équitable de recherche conjointe en RDC près d’une décennie durant. Dans son illustration nuancée pour ces deux blogs, Tembo Kash dépeint un partenariat de recherche Nord-Sud basé sur un véritable soutien et respect mutuels. Il nous montre cependant que ces partenariats ne sont qu’une partie de la solution à la persistance de l’esprit colonial dans la production de connaissances. Pour qu’une décolonisation complète ait lieu, nous devons également nous confronter aux structures universitaires plus larges dans lesquelles les préjugés sur les chercheurs du Sud restent la norme.
La dynamique entre chercheur et répondants
Plusieurs essais de la série Bukavu mettent en évidence la nature extractive de la recherche dans des contextes d’insécurité, en critiquant la tendance des équipes de recherche à collecter des données auprès des communautés sans jamais faire de suivi pour informer les répondants des résultats de leurs études. Alors que les chercheurs du Nord global retournent généralement dans leur pays d’origine après un projet, leurs assistants et collaborateurs locaux restent sur le terrain et peuvent continuer à croiser le chemin d’anciens répondants. Ainsi, les chercheurs locaux doivent faire face aux frustrations et à la lassitude des communautés de répondants d’une manière à laquelle les chercheurs du Nord sont rarement contraints. Dans leurs essais, « ‘Patientez, on est en train d’y réfléchir’. A quand la restitution de vos recherches ? » et « ‘Remettez-moi mes mots » : la restitution, un enjeu oublié », Christian Chiza Kashurha et Isaac Bubala Wilondja expriment chacun leur propre frustration de ne pas pouvoir fournir aux communautés interrogées les résultats des études auxquelles elles participent. Les deux auteurs soulignent que les chercheurs congolais n’ont souvent pas le pouvoir de demander des comptes aux gestionnaires de projets du Nord global pour les communautés dans lesquelles la recherche est menée. Ils appellent donc tous deux les chercheurs du Nord à réfléchir de manière plus critique sur le processus de production des connaissances, et à se demander à qui ces connaissances sont finalement destinées. Entre-temps, dans son essai « Repassez après. — Quel jour ? — Repassez seulement ! », Irène Bahati documente l’exaspération que ressentent les personnes interrogées dans les communautés surchargées de recherches lorsqu’on leur demande à plusieurs reprises de participer à des études dont elles ne voient jamais d’impact. De même, dans « ‘Le chercheur ventripotent’ : Collecter des données dans un terrain insécurisé du Sud », Espoir Bisimwa Bulangalire montre comment l’exaspération des communautés interrogées peut se transformer en ressentiment, voire en hostilité envers les chercheurs locaux – qui sont souvent le visage des projets de recherche sur le terrain, même s’ils ont peu d’influence sur la trajectoire des études sur lesquelles ils travaillent. Ici, Tembo Kash utilise l’image d’une conversation tendue entre un assistant de recherche congolais et un répondant potentiel pour illustrer les thèmes interconnectés explorés par ces quatre essais.
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